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Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

dimanche 29 mai 2011

De Gaulle et le Rassemblement du peuple français (RPF)


Le général de Gaulle fonde en avril 1947 un rassemblement politique, le Rassemblement du Peuple Français (RPF), qui rencontre un succès électoral rapide.
  • Pourquoi rassembler le peuple français?



La décision de créer le Rassemblement du Peuple français fait suite aux désillusions de l'année 1946. Chef du gouvernement provisoire de la République française (GPRF), le général de Gaulle avait  été conforté dans cette fonction par l'Assemblée constituante élue en octobre-novembre 1945. Mais entre les partis qui forment l'assemblée - le Parti communiste, la SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière), et le Mouvement Républicain Populaire (MRP) - et le général de Gaulle, il y a opposition sur ce que doivent être les institutions de la future république. Pour les premiers, attachés à la tradition républicaine française, l'essentiel doit résider entre les mains du Parlement : le pouvoir législatif (celui qui fait la loi) doit être le plus fort. Pour de Gaulle, à l'inverse, c'est à l'exécutif - et donc au Chef de l'Etat - que doit revenir l'essentiel du pouvoir. Sans un Parlement qui a voté les pleins pouvoirs à Vichy, il n'y aurait pas eu Vichy. Et, toujours selon de Gaulle, un Etat fort aurait pu empêcher la défaite de 1940... 
"Veut-on un gouvernement qui gouverne ou bien veut-on une Assemblée omnipotente déléguant un Gouvernement pour accomplir ses volontés (...) La formule qui s'impose, à mon avis, après toutes les expériences que nous avons faites, c'est un Gouvernement qui ait et qui porte seul - je dis : seul - la responsabilité entière du pouvoir exécutif.
 De Gaulle, Deuxième déclaration à l'Assemblée Constituante, 31 décembre-1er janvier 1946. 
 Quelles que soient ses convictions, comme la confiance que  continuent à lui porter les partis issus de la Résistance ( comme le MRP ) ou ceux qui s'en réclament ( le Parti communiste, et dans une moindre mesure, la SFIO), le général de Gaulle n'est alors que le Chef d'un gouvernement provisoire. Face à lui, l'Assemblée constituante est reine (les Français lui ont confié le devoir de faire la constitution). Impuissant à imposer ses vues, de Gaulle fait le choix de la démission le 20 janvier 1946. 
Le 19 janvier, je fis convoquer les ministres pour le lendemain, rue Saint Dominique. (...) tous étaient réunis le dimanche 20 au matin dans la salle dite "des armures". J'entrai, serrai les mains et, sans que personne s'assit, prononçai ces quelques paroles : "Le régime exclusif des partis a reparu. Je le réprouve. Mais, à moins d'établir par la force une dictature dont je ne veux pas et qui, sans doute, tournerait mal, je n'ai pas les moyens d'empêcher cette expérience. Il me fait donc me retirer". ( Charles de Gaulle, Mémoires de Guerre, Le Salut, 1944-1946, Plon, 1959). 

Après un temps de silence, le Général prend la parole à Bayeux, le 16 juin 1946 (le premier projet de Constitution, porté par le Pari communiste, a alors essuyé un vote négatif des Français et l'heure est à la formulation d'un nouveau projet. De Gaulle peut donc espérer faire entendre ses conceptions). Dans son discours, il expose un véritable projet constitutionnel avec un exécutif fort, une séparation claire des pouvoirs, germe de ce que sera la Constitution de la Ve République. 
Rien n'y fait... 
Le nouveau projet constitutionnel adopté par l'Assemblée constituante a peu à voir avec les idées défendues par de Gaulle : ce projet envisage en effet un régime dans lequel le législatif, détenu essentiellement par l'Assemblée nationale, aura un rôle majeur. De Gaulle ne désarme pas, il reprend ses idées à Bar-le-Duc, puis à Epinal, espérant obtenir le rejet, par les Français, du projet établi par la Constituante. Mais il n'est pas écouté, puisque le projet emporte l'adhésion des électeurs lors du référendum du 13 octobre 1946. Les institutions de la IVe République sont nées. 
  • Comment rassembler le peuple français?
Dès lors, de Gaulle est dans l'opposition.
Le 14 avril 1947, il lance un mouvement, le Rassemblement du peuple français, dont il souhaite qu'il ne soit pas un parti - ce qui est logique de la part de celui qui dénonce la mainmise des partis sur la vie politique - mais un mouvement, un rassemblement. Il s'agit de regrouper les Français qui se retrouvent sur ses positions, quelle que soit leur appartenance politique. Ce qui signifie en clair que de Gaulle propose la double appartenance : peuvent adhérer au RPF les membres de tous les autres partis politiques ( à l'exception des membres du Parti communiste). L'objectif est simple : par ce rassemblement, par son poids, par la diffusion des idées gaullistes, il faut obtenir le blocage du système parlementaire, et donc la révision constitutionnelle. 
Au dessus des partis... le RPF est d'abord le rassemblement autour de l'homme du 18 juin, de celui qui a permis la renaissance nationale. En témoignent les affiches de propagande du RPF. Aux symboles nationaux - le drapeau, les couleurs nationales -, aux symboles républicains (le bonnet phrygien, la cocarde, Marianne -ici la Marianne du bas-relief de l'Arc de Triomphe), sont mêlés ceux qui rappellent explicitement l'expérience du combat de la France Libre : la Croix de Lorraine, mais aussi les habits du général. L'homme providentiel - de Gaulle - n'est pas même nommé sur certaines affiches, sa figure suffisant à dire la portée de son combat. L'urgence du rassemblement par contre est mise en avant : " Pour en sortir", "Pour le Salut Public"... 
Le message est clair : la France est à nouveau menacée, la Patrie est en danger... Elle est en danger du fait de ses institutions ( il faut en sortir...), lesquelles ne lui permettent pas d'affronter les dangers de l'heure, parmi lesquels le principal est le danger communiste (qui n'apparaît pas sur les affiches). Nous sommes au printemps 1947 et le monde rentre dans la Guerre froide. 
Pendant cette période, chef politique, le général de Gaulle est interdit d'antenne. Il est donc obligé de se déplacer dans toute la France, de Bruneval à Strasbourg, pour faire connaître ses idées. Les armes du RPF sont donc essentiellement les discours prononcés par de Gaulle et les affiches, qui portent le message du RPF et signalent son succès. 
Affiche du RPF, 1947



  • Pour quel résultat? 
Le RPF rencontre immédiatement un succès conséquent. Sa progression, vantée par cette affiche de propagande, est remarquable. Aux élections municipales de l'automne 1947, le RPF rencontre un véritable triomphe dans les villes : treize sur les vingt-cinq plus grandes mairies françaises (Paris, Lille, Marseille, Strasbourg...) sont gagnées par le mouvement. De Gaulle souhaite que le gouvernement prenne acte de ce succès et fasse organiser de nouvelles élections, pour pouvoir mettre en oeuvre son projet constitutionnel. Devant le refus du gouvernement, il est obligé d'attendre les prochaines échéances électorales : les législatives de 1951. 
Pour contrer la double menace qui pèse sur le régime ( menace gaulliste + menace communiste ), le pouvoir instaure un nouveau scrutin qui permet aux formations politiques de se regrouper (si leur regroupement obtient la majorité des voix, alors il emporte la totalité des sièges; c'est le système dit des apparentements, dont l'objectif est de pénaliser les gaullistes et les communistes qui, en aucun cas, ne s'allieront avec une autre formation politique!). Le résultat est mitigé, puisque l'assemblée qui sort des urnes est composée de six formations, et donc presque ingouvernable. Pour le RPF aussi, le résultat est mitigé : le rassemblement gaulliste remporte certes un net succès, avec 121 élus. Mais ce n'est pas suffisant pour abattre le régime. Et les députés gaullistes se retrouvent, de fait, obligés de composer avec le "système" dénoncé par de Gaulle. La consigne d'abstention qui leur est donnée n'est pas toujours suivie. En 1953, le général de Gaulle décide de dissoudre le groupe parlementaire RPF. Les députés gaullistes continuent à siéger, désormais libres de participer au jeu parlementaire, voire de rentrer dans des gouvernements (Par exemple, Jacques Chaban-Delmas rentre dans le gouvernement Mendès-France en 1954). Pour de Gaulle, commence la "traversée du désert". 
Si elle n'est pas parvenue à bloquer le régime et à infléchir les institutions, l'expérience RPF a au moins deux réussites à son actif. D'une part, elle a mobilisé des militants et forgé un encadrement, qui se révélera important et efficace en 1958. D'autre part, elle a fait connaître les thèmes de campagne majeurs du gaullisme : menace communiste, domination des blocs, nécessité d'un Etat fort pour garantir l'indépendance de la France dans le contexte de Guerre froide. Elle a donc contribué à préparer l'opinion à l'éventualité d'un retour du Général sur la scène politique française. 

Sources : 
Site de la Fondation Charles de Gaulle : http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/accueil/biographie/1946-1953-le-rassemblement-du-peuple-francais.php
Serge Berstein, Le gaullisme, un courant politique à l'épreuve de l'Histoire, La Documentation photographique n° 8050, 2006.
Article RPF dans le Dictionnaire De Gaulle, Robert Laffont, 2006.

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