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Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

dimanche 20 novembre 2011

L'URSS au grand air, une caricature antisoviétique au temps de la Guerre froide

Epreuve de bac : L'URSS au grand air, étude de document mineure ( Terminale, séries générales)

L'URSS au grand air, affiche du mouvement Paix et Liberté, 1951
Questions : 
1. Présentez le document
2. Expliquez précisément la scène encadrée relative aux démocraties populaires ( la scène encadrée, qui n'apparaît pas ici, est celle qui met en vis-à-vis Staline et les "pays libérés", en haut à gauche de l'affiche)
3. En analysant deux des scènes présentées sur ce document ( en dehors de celle évoquée en Q2), montrez quel est le point de vue des auteurs.
4. Identifiez différents aspects du système soviétique illustrés dans ce document
5. Que savez vous de l'évolution du système soviétique dans le courant des années 1950?


Cette étude de document suppose des connaissances sur le modèle communiste soviétique et sur la Guerre froide.

1. Rappel : présenter un document suppose de s'intéresser à : auteur, nature, contexte, enjeu, destinataire.
Ici, le plus simple est de commencer par souligner la nature du document, une affiche de propagande, vecteur particulièrement utilisé pendant la GF à propos de laquelle on a parlé de guerre des affiches. Une affiche de propagande donc, dont l'auteur est le mouvement Paix et Liberté, une association française anticommuniste née dans les années 1950. Cette association, créée par le député radical Jean-Paul David, a pour but de répondre, sur le sol français marqué par une forte emprise du PCF, à la propagande orchestrée par ce parti. 
Le destinataire de l'affiche est donc le public français, dans une France où le PCF est encore un parti très puissant, passé depuis 1947 dans l'opposition et animateur d'une campagne pacifiste, pro-soviétique, dans le cadre de l'Appel de Stockholm.
Cette affiche prend la forme d'une brochure touristique qui mettrait en avant les caractéristiques du territoire soviétique ( fond de carte dans lequel apparaissent des scénettes dont l'emplacement correspond à la situation géographique). Sous couvert de présentation, l'affiche se livre à une charge contre le modèle soviétique des années 1950, et particulièrement contre son chef, Staline, au pouvoir en tant que secrétaire général du PCUS depuis 1928. Nous sommes alors en pleine guerre froide : la crise de Berlin vient de s'achever, la guerre de Corée ( qui oppose de manière indirecte URSS et Etats-Unis ) bat son plein. 
Ce qui fait défaut aux présentations est souvent la mise en évidence du contexte : Guerre froide, sur le territoire européen, ici français, une guerre qui se traduit par des crises ( Berlin, Corée) et par un conflit idéologique dans lequel l'affiche joue un rôle majeur pour dénoncer le modèle opposé. 

2. La scène encadrée est à la charnière entre le territoire soviétique et celui des démocraties populaires à l'ouest. Elle met en scène d'une part, un cochon auquel sont apportées des vivres, et qui fait donc "bonne chère" et d'autre part - de l'autre côté de la frontière - des individus attablés sommés de livrer leurs vivres sous la menace d'armes. Sous ces individus apparaît la mention " pays libérés". Ces " pays libérés" l'ont été par l'Armée Rouge en 1944/1945 lors de la libération des territoires de l'Europe de l'Est par l'URSS. Comme le signale l'insistance sur le mot "libérés", cette libération se traduit de fait par une occupation par l'Armée Rouge et par une soumission. Ce que dénonce donc d'abord l'affiche, c'est la réalité d'une libération - libération de l'occupation hitlérienne - qui se meut en une autre occupation - celle par l'Armée rouge. De plus, ces territoires occupés auraient dû, en application des accords de Yalta, évoluer vers la liberté politique. Mais, deuxième problème soulevé par l'ironie du terme " libération", les élections libres n'ont pas eu lieu ( Pologne) ou l'Armée rouge a immédiatement imposé un régime communiste ( Roumanie). Entre 1945 et 1948, ces territoires "libérés" par l'Armée rouge ont été satellisés par l'URSS : gouvernement communiste ( en 1948, par le "coup de Prague" est parachevée la transformation des régimes en régimes communistes), stalinisation ( les partis communistes des pays de l'Est sont l'objet d'une épuration drastique dans le cadre de grands procès dans les années 1948 et suivantes). Enfin, ces pays transformés en démocraties populaires ( Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie et, depuis 1949, RDA), sont liés à l'URSS par le CAEM : cette organisation économique permet, d'après les auteurs de l'affiche, le pillage des ressources des pays de l'Est au profit de l'URSS. 
Lacune majeure des réponses : démocraties populaires non citées. ( il faut impérativement les nommer). Et surtout, pas d'explication claire sur leur adoption obligée du système politique soviétique ( ce sont, comme l'URSS, des démocraties populaires, avec un parti communiste unique ET dominant) , leur alignement idéologique ( grâce au Kominform), leur sujétion économique ( dans le cadre du CAEM). 
3. Impossible de relever ici toutes les scènes. 
Il faut relever la dénonciation de la figure de Staline, qui apparaît à 10 occasions et est reconnaissable à sa moustache et à la casquette de maréchal flanquée de l'étoile rouge. Cette critique de l'"homme d'acier" est celle du culte de la personnalité ( scénette "au musée"), de la dictature d'un régime totalitaire qui impose SA parole ( scénette de Staline vociférant depuis le Kremlin : "éducation"), de l'instrumentalisation de l'art au service du régime ( scénette "musées"), de la dictature aveugle ( "équitation"). Le régime soviétique des années 1950 est, selon les auteurs de cette affiche, un régime dictatorial, usant de la répression ("cures de repos", "excursions organisées", "stations thermales"... dénoncent l'archipel du goulag, où les opposants sont "rééduqués" par le travail au profit du régime - une main d'oeuvre abondante, servile, renouvelable - ), dans lequel le Parti est au coeur d'un système meurtrier ( la rose des vents place la faucille et le marteau, symboles du PCUS, au coeur d'un système de mort / cadavres embrochés), et dans lequel la police est à l'oeuvre (partout des policiers encadrent la répression et on les voit particulièrement à l'oeuvre dans la scénette "surveillance"). 
L'essentiel pour cette question est d'être très précis dans la description de l'image. Ne pas chercher à en décrire plus de deux, mais les décrire de manière extrêmement précise. Et tirer de cette description des notions plus générales ( culte de la personnalité, régime policier...), pour pouvoir répondre à la question posée / point de vue des auteurs : évidemment hostile et critique. Le but des auteurs est de "dévoiler" ce qui se cache sous la propagande soviétique. 
4. Les aspects du régime soviétique attendus - qui seront diversement développés selon le choix de scénettes commentées à la question précédente -  sont : culte de la personnalité, poids du Parti, régime policier, arbitraire, dictature, régime totalitaire, négation des libertés. 
Un autre aspect (non évoqué ici en question 3) est celui mis en évidence par la scène "footing" : l'armée - puissante - peut éventuellement sortir des frontières. Allusion au fait que l'URSS impose aux démocraties populaires considérées comme des "pays frères" de s'aligner totalement sur l'URSS. Sauf à courir le risque de la répression. C'est une façon d'évoquer l'expansionnisme soviétique, menace qui est particulièrement utilisée dans les pays occidentaux. 
Cette question invite à évoquer des aspects, des caractéristiques : il faut donc mobiliser les notions - clés vues dans le cours sur le modèle soviétique.
5. Comme le document date du début des années 1950 - et donc de la période stalinienne - , la question invite à évoquer l'après-Staline. Donc il faut d'abord rappeler son décès en mars 1953, puis l'évolution qui a suivi. Sous l'égide de Khrouchtchev, une première libéralisation du régime va avoir lieu, qui se traduit en particulier par la libération de nombreux prisonniers du Goulag. Surtout, en février 1956, lors du 20ème congrès du PCUS, Khrouchtchev se livre à une dénonciation du régime stalinien. Mais l'ouverture affichée par le 20 ème Congrès ne signifie pas que les démocraties populaires puissent se démarquer de l'URSS. Il faut évoquer ici la répression des manifestations berlinoises ( juin 1953), et surtout le coup d'arrêt mis à la révolution hongroise (novembre 1956). 
La dernière question est une question de cours. Le document n'est plus sollicité, il faut mobiliser des connaissances. Concision, précision sont ici attendues. 

Un autre corrigé sur le même document (questions légèrement différentes) : 

D'autres affiches du mouvement Paix et Liberté : 

vendredi 18 novembre 2011

Les mutations de la population active en France, milieu XIX-début XXe siècles

Les mutations de la population active en France, milieu XIX-début XX e siècles
Etude de document guidée, niveau première générale, thème 1 du nouveau programme.


Telle qu'elle est conçue, cette étude de document est extrêmement guidée. Certaines questions invitent expressément à lire ( question 2), à analyser ( question 3), à mobiliser des connaissances (Question 4), à inscrire le document dans un contexte plus général et donc à le confronter à ce qui a été vu en cours (question 5), à mesurer sa portée (question 6). Traditionnellement, la première question invite à présenter le document, ce qui doit TOUJOURS être fait, pour bien cerner l'enjeu de l'étude.

Les écueils majeurs mis en évidence par les copies :
  • l'imprécision du propos. L'élève pense à définir lorsque cela lui est demandé expressément ( question 1/ population active), mais omet totalement de le faire lorsque cela n'est pas précisé ( question 2 / Secteurs primaire et secondaire)
  • La difficulté à présenter. Ici, il faut dire clairement que le document est un graphique en barres qui montre la structure de la population active (c'est-à-dire le poids des trois secteurs dans la population active ) à trois dates différentes. Il convient de préciser ce que recouvrent ces trois secteurs ( cf. remarque précédente)
  • La difficulté à exploiter les données. Dire, par exemple, que le secteur primaire est passé de plus de 50% à 33% de la population active entre le milieu du XIX et 1930 ( en réponse à la question 2) est une lecture correcte du document. C'est encore mieux si l'on ajoute que le secteur primaire représentait donc un actif sur deux au milieu du XIX, et seulement un sur trois en 1930. Ici, les données sont utilisées, exploitées : on leur fait dire quelque chose de significatif. 
  • Plus généralement, la difficulté à développer. En réponse à la question 3, l'industrialisation est évoquée, mais le propos met rarement en évidence en quoi l'industrialisation a des effets sur la population employée dans le primaire. Développer, c'est expliquer, démontrer ce que l'on dit, l'illustrer. On attend un développement qui évoque la mécanisation de l'agriculture, l'économie de bras que cette mécanisation engendre, donc l'exode rural, et parallèlement le développement des villes qui attirent, le besoin de bras des industries naissantes, et donc le phénomène de déversement des actifs du primaire vers le secondaire. 
  • Enfin, et surtout, la difficulté à contextualiser. Dire que le document montre la répartition de la population active à trois dates différentes ne suffit pas. Il faut inscrire ces dates dans un contexte plus général, celui des révolutions industrielles ( première et seconde). 
  • Enfin, encore, et surtout, la difficulté à mobiliser les connaissances du cours. Il est impératif que les notions clés vues en classe apparaissent dans le devoir. Ici, étaient attendues : industrialisation, mécanisation, organisation scientifique du travail, rationalisation urbanisation exode rural, féminisation de l'emploi, tertiarisation... ces notions devant évidemment être expliquées lorsqu'elles sont utilisées. 
Contre toute attente, la dernière question, qui suppose une mise en relation entre le document et le cours, est plutôt bien réussie. C'est plutôt bon signe puisque les épreuves proposées au baccalauréat ( en 1ère S dès cette année, et sans doute en Terminale à partir de l'an prochain) ne proposent plus de questions guidant l'étude, mais une consigne globale, qui invite à présenter, montrer les apports du document ( analyser en utilisant les connaissances du cours), et ses limites ( confronter le document avec ce qui a été vu en classe). 

Dans l'optique "nouvelles épreuves", l'étude de document aurait pu avoir comme consigne : 
"Après avoir présenté le document ( ce qui équivaut à la question 1 ici), vous montrerez en quoi il traduit les évolutions majeures de la population active à cette période (ce qui équivaut aux questions 2,3 et 4), puis mettrez en évidence ses limites (ce qui équivaut à la question 6). 
La comparaison entre les deux façons de concevoir le sujet met en évidence une difficulté majeure des nouvelles épreuves : la mobilisation de connaissances est attendue, elle n'est pas explicitement demandée! ( par exemple, pas de question de cours comme la question 5). Il faut donc que le candidat pense toujours à expliquer ce qu'il décrit, même si on ne le lui demande pas. 

vendredi 11 novembre 2011

La guerre du Vietnam, un conflit indirect de Guerre froide (1)

  • La guerre du Vietnam, un modèle de conflit indirect de guerre froide

Lorsque la guerre d'Indochine prend fin, en 1954, les accords de Genève entérinent l'existence provisoire, sur le territoire du Vietnam, de deux états : la république démocratique du Vietnam du Nord ( RDVN), communiste - qui apparaît sur la carte en rouge -  et le Vietnam du sud, au sud du 17ème parallèle. Existence provisoire, parce que logiquement des élections doivent avoir lieu autorisant une éventuelle unification... Mais ces élections n'ont pas lieu, et chacun des deux états évolue de manière divergente : au nord, la RDVN communiste se transforme en régime de démocratie populaire, suit le modèle communiste ( chinois, ici) de réforme agraire et de transformation des campagnes, quant le Vietnam du sud adopte le modèle capitaliste. 
Le caractère dictatorial du régime sud-vietnamien, sous l'égide de Ngô Dinh Diem, favorise le développement d'une opposition composite : militaires, marxistes, libéraux, bouddhistes qui forment un Front National de Libération en 1960. Sans surprise, cette opposition reçoit le soutien du Vietnam du Nord qui favorise l'agitation dans le sud Vietnam... En 1961, l'opposition menée par le FNL contrôle 1/3 du pays, la guérilla est menée depuis les campagnes et menace les principales villes. 
Au nom de la théorie des dominos ( la conversion d'un pays au communisme entraîne, par contagion, celle des pays voisins à la manière des dominos qui s'écroulent les uns après les autres), les Etats-Unis accentuent alors leur soutien au Vietnam du sud, cherchant, par l'envoi de conseillers militaires de plus en plus nombreux, à éviter la victoire du communisme au sud du Vietnam. Pour eux, en effet, l'opposition sud-vietnamienne, plurielle dans les faits ( libéraux, marxistes...), est manipulée par le Vietnam du Nord. D'où, pour désigner les opposants du FNL, l'appellation de vietcong : communiste vietnamien.  L'extension de la rébellion menace l'équilibre de la péninsule. A Washington, l'idée selon laquelle une intervention directe est nécessaire pour sauver la situation s'impose progressivement.  
En août 1964, l'"incident" du golfe du Tonkin ( attaque d'un navire de guerre américain par la RDVN) autorise l'escalade américaine. Le président Johnson obtient les pleins pouvoirs pour répondre à toute nouvelle attaque de la RDVN. Le conflit oppose donc un petit état communiste, la RDVN, accusé par la première puissance mondiale, guide du "monde libre", de favoriser l'expansion du communisme au sud du pays. Pour les Etats-Unis, il s'agit, en menant une offensive massive de bombardement de la RDVN, de la contraindre à cesser tout soutien au FNL, de cesser de le ravitailler. Le conflit est qualifié de conflit indirect puisqu'à l'engagement des Etats-Unis s'oppose celui de l'URSS et de la Chine, qui, à l'inverse, arment la RDVN. 
Comme on le voit sur la carte, les bombardements américains frappent les villes du Nord, les bases américaines sont par contre installées au sud. Au sud, le FNL contrôle les campagnes, bénéficie du soutien de la RDVN, qui ravitaille les combattants par la piste Hô Chi Minh ( qui relie le Vietnam du Nord au sud-vietnam, en passant par le Laos et le Cambodge).

Ce conflit, modèle des conflits indirects de guerre froide - où les deux grandes puissances s'affrontent par états interposés - , peut faire l'objet d'une schématisation. Ce type de schéma accompagne avec profit les compositions.


Une périodisation intéressante du conflit :

Regards d'écrivains sur l'Allemagne nazie

L'Allemagne nazie ... l'expression évoque d'abord le régime hitlérien, la mise en oeuvre de la Solution finale, une société enrégimentée, un passé difficile à assumer ... Mais l'Allemagne nazie est aussi le foyer d'une résistance ordinaire, d'une résistance des humbles. C'est de cette résistance ordinaire que traite le roman de Hans Fallada, paru en 1947 ( après le décès de son auteur), intitulé Seul dans Berlin ( Jeder stirbt fûr sich allein).

Seul dans Berlin raconte l'itinéraire d'un couple allemand, le couple Quangel, un couple ordinaire, jusque là membre du Parti, dont le fils Otto est parti se battre pour le régime sur le front de l'Est, et qui, peu à peu, bascule dans la remise en cause, accepte l'idée de s'opposer, et passe à l'acte, en l'occurrence, une résistance au quotidien, qui consiste à glisser sous les portes des appartements des messages anti-hitlériens. Pour Primo Levi, Seul dans Berlin est l'un des plus beaux livres sur la résistance antinazie. 


"–Otto est mort Trudel !Du fond du cœur de Trudel monte le même « Oh ! » profond qu’il a eu lui aussi en apprenant la nouvelle. Un moment, elle arrête sur lui un regard brouillé de larmes. Ses lèvres tremblent. Puis elle tourne le visage vers le mur, contre lequel elle appuie le front. Elle pleure silencieusement. Quangel voit bien le tremblement de ses épaules, mais il n’entend rien.« Une fille courageuse ! se dit-il. Comme elle tenait à Otto !… A sa façon, il a été courageux, lui aussi. Il n’a jamais rien eu de commun avec ces gredins. Il ne sest jamais laissé monter la tête contre ses parents par la Jeunesse Hitlérienne. Il a toujours été contre les jeux de soldats et contre la guerre. Cette maudite guerre !… »Quangel est tout effrayé par ce qu’il vient de penser. Changerait-il donc, lui aussi ? Cela équivaut presque au « Toi et ton Hitler » d’Anna.Et il s’aperçoit que Trudel a le font appuyé contre cette affiche dont il venait de l’éloigner. Au-dessus de sa tête se lit en caractère gras :AU NOM DU PEUPLE ALLEMANDSon front cache les noms des trois pendus.Et voilà qu’il se dit qu’un jour on pourrait fort bien placarder une affiche du même genre avec les noms d’Anna, de Trudel, de lui-même… Il secoue la tête, fâché… N’est-il pas un simple travailleur manuel, qui ne demande que sa tranquillité et ne veut rien savoir de la politique ? Anna ne s’intéresse qu’à leur ménage. Et cette jolie fille de Trudel aura bientôt trouvé un nouveau fiancé…Mais ce qu’il vient d’évoquer l’obsède :« Notre nom affiché au mur ? pense-t-il, tout déconcerté. Et pourquoi pas ? Etre pendu n’est pas plus terrible qu’être déchiqueté par un obus ou que mourir d’une appendicite… Tout ça n’a pas d’importance… Une seule chose est importante : combattre ce qui est avec Hitler… Tout à coup, je ne vois plus qu’oppression haine, contrainte et souffrance !… Tant de souffrance !… « Quelques millier » , a dit Borkhausen ce mouchard et ce lâche… Si seulement il pouvait être du nombre !… Qu’un seul être souffre injustement, et que, pouvant y changer quelque chose, je ne le fasse pas, parce que je suis lâche et que j’aime trop ma tranquillité… »Il n’ose pas aller plus avant dans ses pensées. Il a peur, réellement peur, qu’elles ne le poussent implacablement à changer sa vie, de fond en comble.Au lieu de cela, il contemple de nouveau ce visage de jeune fille au-dessus duquel on lit AU NOM DU PEUPLE ALLEMAND. Elle ne devrait pas pleurer ainsi, appuyée justement à cette affiche !… Il ne peut résister à la tentation ; il écarte son épaule du mur et dit, aussi doucement qu’il peut :–Viens, Trudel. Ne reste pas appuyée contre cette affiche !Un moment, elle regarde sans comprendre le texte imprimé. Ses yeux sont de nouveau secs, ses épaules ne tremblent plus. Puis la vie revient dans son regard. Ce n’est plus un éclat joyeux, comme lorsqu’elle s’avançait dans ce couloir ; c’est un feu sombre, à présent. Avec fermeté et douceur à la fois, elle pose la main à l’endroit où se lit le mot « pendaison » :–Je n’oublierai jamais, dit-elle, que c’est devant une de ces affiches que j’ai sangloté à cause d’Otto… Peut-être mon nom figurera-t-il aussi un jour sur un de ces torchons.Elle le regarde fixement. Il a le sentiment qu’elle ne comprend pas toute la portée de ce qu’elle dit. (Pages 34-36)



Hans Fallada - de son vrai nom Rudolf Ditzen - est un écrivain allemand né en Poméranie. Il a travaillé dans l'agriculture, l'édition, le journalisme, avant de pouvoir vivre de sa plume. C'est son deuxième roman : Kleiner Mann, was nun ? ( Et puis après? ), publié en 1932, qui lui confère une notoriété internationale. Le roman évoque l'itinéraire d'un jeune comptable, besogneux et honnête, que la crise économique fait plonger dans l'engrenage du chômage et de la misère. Avec ce roman, Fallada/Ditzen devient un chef de file du mouvement réaliste de la Neue Sachlichkeit ( mouvement qui compte des écrivains allemands tels Erich Kästner, Erich Maria Remarque)
Avec la prise de pouvoir de Hitler ( 1933), Fallada se retire sur ses terres de Feldberg ( Mecklembourg) où il se tient à l'écart de la vie publique. En 1944, il entame la rédaction de son roman Der Trinker ( Le Buveur) qui rappelle le parcours de l'auteur, lui-même alcoolique et morphinomane. 


Pour en savoir plus sur l'auteur ( site en anglais ) 

Sources : 
http://mondalire.pagesperso-orange.fr/seul_dans_berlin.htm#hp
http://kirjasto.sci.fi/hfallada.htm

lundi 7 novembre 2011

Le Brésil, un état du Sud inégalement développé, croquis commenté

Le Brésil fait partie des sujets tombés au Bac en juin 2011. L'intitulé du sujet : "les contrastes spatiaux de développement au Brésil" invite le candidat à mettre en évidence les contrastes régionaux majeurs - le développement est inégal en fonction des régions ( Nordeste, sudeste, sud, centre-ouest et nord) -, à les expliquer  - mettre en évidence les facteurs explicatifs qui peuvent rendre compte du plus grand développement de certaines régions, et du moindre développement d'autres régions -, et à faire état de contrastes visibles à différentes échelles : cela signifie ici de ne pas tenir compte des seules disparités existant entre les régions, mais, en changeant d'échelle, de considérer aussi celles qui existent au sein des villes. Une autre donnée à prendre en compte est celle des dynamiques spatiales - autrement dit des évolutions (déplacement du front pionnier, flux migratoires...).
En prenant pour base de réflexion le croquis proposé par une collègue - et réalisé par l'un(e) de ses élèves - , dont l'énoncé est différent dans les termes mais pas sur le fonds : "Le Brésil, un état du Sud inégalement développé", il est possible de dégager les grands points qui doivent apparaître sur ce sujet. 




IL faut d'abord souligner le soin apporté à la réalisation, première qualité exigée d'un croquis. Les à-plats de couleur sont nettement mis en évidence, l'écriture est lisible, une typographie différente est utilisée pour les villes ( minuscules ) et pour les noms de régions ( majuscules)... Deuxième remarque : le croquis propose une nomenclature tout à fait convenable puisque les états frontaliers sont nommés et que, sur le territoire même du Brésil, apparaissent les principales villes attendues ( voire davantage). Troisième remarque : comme cela est exigé pour l'épreuve du baccalauréat, la légende est ordonnée ( l'information est organisée selon un plan).
Fichier:Brasilia ministerios da torre.jpg
Ministères, Congrès, cathédrale de Brasilia

La logique centre/périphéries est utilisée pour rendre compte des contrastes régionaux. Ainsi apparaît une région centrale - composée des régions du Sud et du Sudeste - qui est à la fois la plus riche et la plus développée. La capitale économique du Brésil (Sao Paulo) s'y trouve et de grandes métropoles (Sao Paulo, Rio, Belo Horizonte ) forment un triangle industriel, c'est-à-dire une zone qui concentre l'essentiel de la production et surtout des centres de décision économiques (sièges sociaux des grandes entreprises) et financiers (banques et organismes de crédit mais aussi place financière). Par opposition à cette région centrale, au coeur de l'économie brésilienne, trois autres espaces apparaissent en retrait. D'abord, la région du centre-ouest, qui est une région anciennement mise en valeur ( mise en valeur au 18e avec exploitation des mines d'or, puis au 19e avec la culture du café). Bien reliée au Sud et au Sudeste, cette région a bénéficié du changement de capitale, décidé en 1960. Elle peut désormais être considérée comme une périphérie intégrée, soit un territoire qui se développe dans la dynamique du centre. Deuxième périphérie, celle que forme le nordeste. La situation est totalement différente. Cette région est, elle aussi, exploitée depuis longtemps. C'est même l'une des régions d'arrivée des colons, dans laquelle a été précocement développée la canne à sucre - à grand renfort d'esclaves noirs. Mais cette région, fortement
peuplée sur le littoral, connaît des difficultés conséquentes, en particulier liées à des contraintes climatiques ( le coeur du nordeste forme le sertao, une région au climat semi-aride, qualifiée par les géographes de "polygone de la sécheresse"). Son retard de développement se traduit par le fait qu'elle soit la principale région émettrice de flux de population à destination des autres régions brésiliennes ( flux migratoires internes)  : le centre d'une part, la région amazonienne d'autre part. L'Amazonie forme en effet la dernière périphérie de cet ensemble fragmenté. C'est une périphérie encore marginale, en réserve, mais qui subit une mutation rapide : front pionnier de peuplement, avancées de la mise en valeur agricole, ... lesquels mettent en péril la survie des Indiens d'Amazonie.
Source :
http://annemls.canalblog.com/archives/2009/11/15/15810236.html

La guerre à l'aube du XXIe siècle

Dessin de Pessin, septembre 2011
Comme souvent, le dessin de presse pointe avec acuité un phénomène complexe, ici, la nature mouvante de la guerre.  La guerre "n'est plus ce qu'elle était" semblent se désoler ces soldats représentés comme des fantassins d'un autre âge, de pauvres hères qui rentrent au pays sans que le conflit ( quel conflit, d'ailleurs?) dans lequel ils étaient engagés soit terminé. Le dessin de Pessin s'inscrit dans le contexte des guerres du début de siècle : Afghanistan d'abord, Irak ensuite, et du désengagement américain de ces territoires ( retrait des troupes américaines en Irak achevé fin 2011; retrait des troupes américaines du territoire afghan amorcé à l'été 2011, progressif jusqu'en 2014 et à la passation de relais aux forces de sécurité afghanes). Il formule un premier constat, celui de l'incapacité à déterminer désormais le "sort des armes". Qui est vainqueur? Qui est vaincu? Et, s'il n'y a ni vainqueur, ni vaincu, quand se termine une guerre? Comment concevoir la démobilisation alors que le conflit n'est pas tranché? La question de l'issue du conflit ( victoire, défaite) pose celle de son objectif : si la guerre peut n'être ni gagnée ni perdue, quel est son objectif? Comment la justifier auprès des populations? 
Ce sont des soldats qui parlent dans ce dessin. Certes, des soldats dont l'habit a peu à voir avec l'uniforme (on peut songer à des mercenaires, à des soldats en déroute, voire à des soldats démobilisés qui donc ont quitté l'uniforme). Mais des soldats qui font référence à leur "métier", celui des armes. Et l'incapacité à les identifier de manière immédiate renvoie à leur propre impuissance. Même les soldats ne savent plus qui ils sont. Parce que le combat n'a plus d'objectif clair et tranché? Sans doute. Mais aussi peut-être parce que l'ennemi, et c'est l'une des caractéristiques des nouveaux conflits, est de moins en moins identifiable. 
Cette réflexion est au coeur du nouveau programme de première,  qui fait de la guerre au 20e siècle l'un de ses thèmes majeurs, et invite à s'interroger sur les nouvelles conflictualités, et, en particulier, les conflits asymétriques ( conflit opposant une armée régulière à une force de nature différente ), comme le conflit afghan ou irakien. 

1970, Willy Brandt à Varsovie

Kniefall von Warschau ( la génuflexion de Varsovie). Willy Brandt s'agenouille devant le monument commémorant le soulèvement du ghetto de Varsovie

En 1970, le voyage de Willy Brandt (chancelier de la RFA depuis 1969) à Varsovie peut être considéré comme un symbole fort de la détente entre l'Est et l'Ouest, entre le bloc occidental et le bloc communiste

(Source : wikipedia, article ligne Oder-Neisse)
En effet, l'objectif du voyage est la reconnaissance par la RFA de la frontière du territoire allemand avec la Pologne. Cette frontière, fixée provisoirement en 1945 sur la ligne Oder-Neisse, a été reconnue par la RDA( accords de Görlitz de 1950), mais jamais par la RFA. En reconnaissant la ligne Oder-Neisse comme frontière entre l'Allemagne et la Pologne, le chancelier ouest-allemand oeuvre donc dans le sens d'une normalisation des relations entre l'ouest ( la RFA ) et l'est ( la démocratie populaire qu'est la Pologne). C'est la porte ouverte à une normalisation des relations entre RFA et RDA - normalisation qui se traduira en actes par le règlement du statut de Berlin (1971), puis, par la reconnaissance mutuelle des deux Allemagnes, et donc leur entrée à l'ONU (1973).  Le voyage en Pologne a donc des conséquences territoriales - acceptation de la carte de l'Europe issue de la Seconde Guerre mondiale - et diplomatiques. Il s'inscrit dans une politique originale de rapprochement de la RFA avec l'URSS, désignée sous le nom d'Ostpolitik.

Dans le même temps, le voyage en Pologne signe la reconnaissance par l'Allemagne des crimes perpétrés - par l'Allemagne nazie - sur le territoire polonais : génocide des juifs polonais, répression du soulèvement du ghetto de Varsovie. Cette reconnaissance n'est pas de l'ordre du discours, elle est implicite : en s'agenouillant devant le monument qui commémore le soulèvement du ghetto de Varsovie, Willy Brandt demande, de fait, pardon. 






Pour en savoir plus sur la portée et le sens de ce moment historique : 
Pour en savoir plus sur l'Ostpolitik : 
http://bricabraque.unblog.fr/2009/11/03/lostpolitik/