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Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

mardi 17 janvier 2012

Le 1er février 1954, l'appel de l'abbé Pierre

Le 1er février 1954, l'abbé Pierre lançait sur les ondes de Radio Luxembourg un appel à "l'insurrection de bonté" :



"Mes amis, au secours...


Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée...
Chaque nuit, ils sont plus de 2000 recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu.Devant l’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent !
Écoutez-moi : en trois heures, deux premiers centres de dépannage viennent de se créer : l’un sous la tente au pied du Panthéon, rue de la Montagne Sainte Geneviève ; l’autre à Courbevoie. Ils regorgent déjà, il faut en ouvrir partout. Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où l’on lise sous ce titre CENTRE FRATERNEL DE DEPANNAGE, ces simples mots :« TOI QUI SOUFFRES, QUI QUE TU SOIS,ENTRE, DORS, MANGE, REPREND ESPOIR, ICI ON T’AIME »
La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l’hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure.Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l’âme commune de la France. Merci !Chacun de nous peut venir en aide aux "sans abri". Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain :• 5000 couvertures,• 300 grandes tentes américaines,• 200 poêles catalytiquesDéposez les vite à l’hôtel Rochester, 92 rue de la Boétie. 
Rendez-vous des volontaires et des camions pour le ramassage, ce soir à 23 heures, devant la tente de la montagne Sainte Geneviève.
Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l’asphalte ou sur les quais de Paris.
Merci !"


12 février 1954 : 


Robert Barat, journaliste à Témoignage chrétien, l'a suivi pendant une semaine. Il écrit : « À l'heure où ces lignes sont rédigées, l'abbé vient de tirer le bilan de ces quatre jours de campagne : 120 millions de francs, 120 tonnes de vêtements et matériel, 7 milliards débloqués par le ministre des Finances pour la construction de cités d'urgence (...) Tout celà grâce à un homme (...) Simplement parce qu'il a dit : "Nous ne pouvons pas les laisser mourir ainsi. Nous n'en avons pas le droit". »
L'appel de l'abbé Pierre soulève la question des exclus de la croissance dans une France qui connaît alors la spectaculaire mutation des Trente Glorieuses. La population s'accroît avec le baby boom, la croissance économique frôle les 5%, la France change. La "révolution silencieuse" que connaissent les campagnes génère un exode rural conséquent. Les populations immigrées auxquelles la France fait alors appel - pour combler le manque de bras - gagnent elles aussi les villes. Or, la Seconde Guerre mondiale a engendré des destructions conséquentes et la reconstruction opérée depuis 1945 n'a pas suffi à pallier le manque de logements. En périphérie des grandes agglomérations, des bidonvilles accueillent dans des conditions dramatiques ces populations laissées pour compte de la croissance. 
l'abbé Pierre en visite dans un bidonville pendant l'hiver 1953-1954

Le problème du logement n'a toujours pas trouvé de solution 15 ans après, comme en témoigne cette photographie d'un bidonville de Nanterre, en 1967.



Bidonville proche de Nanterre, 1967
Un article consacré aux bidonvilles aux portes de Paris : 

Le 1er février 1954, l'appel lancé par l'abbé Pierre ( de son vrai nom Henri Grouès) popularise l'engagement de ce prêtre auprès des plus démunis. Il anime depuis 1949 une communauté caritative à Neuilly-Plaisance qui prend en 1950 le nom des Pèlerins d'Emmaüs. Précédemment, il a eu une courte carrière politique ( membre de la première et de la seconde assemblées constituantes de 1946, puis député MRP - Mouvement Républicain Populaire - de Meurthe-et Moselle entre 1946 et 1951). Il est par ailleurs médaillé de la Résistance en reconnaissance de l'action clandestine qu'il a menée sous l'Occupation : aide au passage de résistants et réfractaires, soutien apporté aux Juifs, aide à la constitution d'un maquis dans le Vercors. Son itinéraire est retracé - à l'instar de celui de l'ensemble des députés - sur le site de l'Assemblée Nationale. 
Sources : 
http://www.temoignagechretien.fr/ARTICLES/Qui-sommes-nous-?/TC-en-images/Default-14-3205.xhtml
http://hg-4eme-giroud.over-blog.fr/article-29458405.html
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/abbe-pierre/index.asp

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